Quelques notes sur les ateliers d’écriture

« Pour écrire il faut déjà écrire »
Maurice Blanchot

L’acte d’écrire dans ce qu’il a d’instinctif est d’abord profondément étranger, voire même rétif, à toutes notions de talent, de goût, de beauté ou de réceptivité, critères extérieurs et relatifs, capitaines toujours en retard sur la véritable bataille des mots. Il s’agit d’abord d’un rapport entre soi et le monde, un acte de saisie, une possibilité de rendre visible le réel à soi-même, un outil pour mieux exister peut-être et plus loin.

L’atelier n’a donc pas la prétention de délivrer un quelconque enseignement sur l’écriture qui n’est ni une science exacte ni une donnée stable, et qui ne saurait donc être appréhendée par un regard surplombant qui la fige.

Ce que peut nous apprendre une conduite régulière d’ateliers avec des publics divers – universités, lycées, collèges, hôpitaux, centres de soins psychiatriques –, c’est que le rapport à la langue est toujours déjà là, intime, farouchement constitué, terriblement singulier. Que l’enjeu de ce rendez-vous est moins de faire écrire ceux qui n’écrivent pas, que de faire découvrir à chacun ce qui parfois demeure ignoré ou dissimulé, son rapport propre à la langue, une richesse toujours présente, une individualité littéraire sous la masse des réflexes communs et des inhibitions.

Ainsi ce que nous pouvons apprendre aux participants ce n’est ni comment ni quoi écrire, chacun à en soi des réserves inépuisables pourvu qu’il s’y penche, mais à s’approprier l’univers littéraire, à se servir d’auteurs comme des alliés, des soutiens, dans l’affirmation de sa singularité, dans la ressaisie de son histoire propre.

Décomplexer l’accès au livre, présenter la littérature comme ayant plus de lien avec soi qu’on voulait le croire, comme une matière vivante et non muséale, aiguiser l’intérêt à s’y plonger et replonger, savoir s’orienter dans ses lectures, rendre une part du monde à ceux qui pouvaient en être privée alors que justement il n’y a aucune raison valable qu’elle ne leur appartienne pas en propre.

L’atelier d’écriture ne doit cependant pas être ici envisagé sans cette dimension de lecture à haute voix, sans justement ce qui le fonde, le partage des mots, le partage de la littérature, et qui explique donc que les séances soient collectives.

Dans le respect de la circulation de toutes les paroles, chacun est invité à explorer son imaginaire à partir d’exercices, de jeux littéraires, mais aussi de journaux, de thèmes d’actualités, d’images, peintures, photographies. Des exercices d’écriture collective selon les possibilités et les envies pourront venir enrichir la réflexion.

Samuel Gallet