Communiqué n°10

Dans une mégalopole à peine futuriste, cernée par des friches où se réfugient exclus et révoltés, des violences éclatent. Un jeune homme a été tué sur un parking par un vigile. Celui-ci est en fuite et le frère de la victime ne veut pas que le crime soit impuni.

Construisant la pièce comme un puzzle, Samuel Gallet livre un texte à la limite des genres : ni réaliste, ni policier, ni surnaturel ou tout cela à la fois. Ses personnages sont complexes. Ils cherchent à maîtriser les destins écrits, à agir sur leur vie sans céder au poids du passé ou aux contraintes de la société imposées par la force.

Damien, le vigile, est tout aussi perdu qu’Anne, la rebelle, ou que la bande des enfants guerriers dont les facéties dangereuses ponctuent le cours des événements (émeutes, révolte, résistance).

Comme le dit la figure énigmatique du vieil homme : « Ce ne sont pas les morts qu’il faut venger mais les vivants qui demeurent et que les morts regrettent. »

Samuel Gallet poursuit avec ce texte son exploration des êtres marginaux.

Ouvrage publié avec le soutien du Centre National du Livre.

  • Pièce lauréate des Journées des Auteurs de Lyon 2010
  • Pièce « coup de coeur » 2011 du comité de lecture du Panta Théâtre.
  • Pièce sélectionnée par la Moisson des auteurs, mai 2011, Entr’Actes-Sacd.
  • Sélectionnée par A mots découverts qui propose une lecture aux Mardis midi du Théâtre de Rond-Point, Paris, dirigée par Nathalie Demnard, le 27 juin 2011.
  • Pièce sélectionnée pour le Prix Collidram 2012 de littérature dramatique des collégiens remis en mai et pour le Prix Sony Labou Tansi des lycéens 2012 attribué à la même période.

Date de publication

2011

Éditeur

Détails

13x21cm, 96 p. env

ISBN

978-2-84705-075-2

Presse

« Un fait divers comme il en existe tant et l’explosion d’une cité servent de fil conducteur à deux parcours parallèles.
Celui d’Hassan, le frère qui ne sait pas au juste contre qui exercer une vengeance enracinée dans une frustration plus lointaine et celui de Damien dont le seul crime véritable est d’avoir voulu échapper à sa condition, d’avoir voulu rêver d’une autre vie possible.
Violence, violence contre soi-même, sentiment de l’échec et abandon de ses propres illusions rassemblent ces deux jeunes hommes que le barillet d’un revolver sépare en grinçant.
Autour d’eux, le monde aligne ses victimes dont les illusions ont du mal à survivre à l’épreuve du temps. Un vieillard qui désire mourir à l’écart de l’empathie des siens, une jeune droguée qui se donne à un clochard, une mère folle de douleur et une jeune fille gentille qui ne sait pas trop comment agir.
(…) enlaçant les intrigues et les destins de personnages avec une compréhension exempte de tout jugement hâtif l’auteur réussit à saisir quelque chose d’un malaise plus profond qui dépasse le désœuvrement, le chômage, l’échec de la scolarisation.
Comme une violence héritée de la frustration des pères (magnifique métaphore du père mort qui demande à son fils de ne pas identifier sa tombe pour qu’on ne vienne pas le chercher en cas de pénurie de main d’œuvre).
Et puis il y a la belle trouvaille de ces enfants, organisés en bandes d’amoureux, qui mènent leur guérilla armés de boules puantes comme un jeu dangereux auquel il n’y a pas de fin.
Bien construite, bien écrite dans une langue efficace et sans manière, une pièce sensible et généreuse. »

Comité de lecture, Panta théâtre (pièce coup de cœur du comité), 2011

«

Extrait

Quand j’ai su pour Lakdar tombé si jeune après tant d’autres et avant ceux qui tomberont, d’abord je regarde le verre d’eau posé sur la table de la cuisine. Et c’est le lac où nous allions quand la chaleur envahissait l’immeuble, les souvenirs d’été de derrière l’autoroute. Je prends le verre, je regarde les remous de l’eau, les plages bondées, les gamins dans le soleil et les éclaboussures et le soupçon du bonheur sur le visage de mon frère. Ma mère au téléphone hurle qu’on lui rende son fils, ne comprend pas le nom de l’hôpital à l’Est de la ville, ne veut rien comprendre, confond les couverts avec des hirondelles, la fenêtre avec la porte. Les couverts volent, se plantent cinquante mètres plus bas dans la terre, ma mère enjambe le rebord, je la retiens par la taille, elle me frappe, nous roulons sur le sol, elle crie, je l’allonge, elle pleure, elle s’endort. Je bois l’eau comme si je ne buvais pas et il n’y a plus rien à voir. A l’hôpital, on me fait entrer. Dans la salle de réanimation, je reconnais mon frère. On me dit qu’il ne l’est plus depuis dix minutes, on me sert un verre d’eau. Je regarde dedans. L’immeuble, les squares, les grillages du terrain de sport, les friches, la nationale et Lakdar six ans qui dit un jour au père Tu travailles pas assez ou quoi ?, on part jamais en vacances, et la claque qu’il se prend et la honte de ma mère le visage vers dehors. Monsieur, on me dit et on me donne un sac avec ses affaires. Je m’appelle Hassan. J’ai vingt huit ans. J’existe. Je suis le frère de Lakdar. Monsieur, il faut aller voir la police. Allez-vous faire foutre, je rentre à la maison. Dans la cuisine, je laisse le verre d’eau ne pas se remplir d’images et j’attends.

»